Alors
que le 11 mai dernier, l’association 40 millions d'automobilistes a
annoncé avoir entamé une action de groupe pour demander une
indemnisation pour les automobilistes visés par les futures
interdictions de circulation dans Paris et ainsi remettre en cause la
politique anti-pollution mise en place par la commune, cette annonce est
l’occasion de revenir sur l’action de groupe et de souligner le fossé
qu’il existe actuellement dans les possibilités d’action
juridictionnelle selon que l’on se place du côté du droit de la
consommation ou de celui de l’environnement.
En
effet, l’adoption en 2014 par la loi Hamon de l’action de groupe pour
les litiges relatifs au droit de la consommation a relancé le débat sur
l’opportunité de consacrer cette dernière dans le domaine
environnemental. Entrée en vigueur le 1er octobre 2014, cette procédure
permet à plusieurs consommateurs lésés de se regrouper afin d’agir en
justice de manière collective.
Dans
le domaine sanitaire l’action de groupe a finalement été introduite par
la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé,
mais la question de l’élargissement de l’accès au juge environnemental
par le biais de l’action de groupe reste, elle, en suspens.
Le
projet de loi "Biodiversité", en son article 51 quater AA proposait la
mise en place de cette forme d’action collective, visant à la cessation
du manquement ou à la réparation des dommages corporels et matériels
résultant du dommage causé à l'environnement. Cependant, sous couvert
d’absence de sécurité juridique et de risque de fragilisation des
acteurs économiques, les députés ont rejeté l’action de groupe
environnementale en mars 2015.
Dernier
rebondissement en date, le gouvernement a introduit, le 19 mai, un
amendement dans la loi de justice du 21°siècle qui prévoit que « lorsque
plusieurs personnes physiques, placées dans une situation similaire,
subissent des préjudices individuels résultant d’un dommage causé à
l’environnement par une même personne, ayant pour cause commune un
manquement de même nature à ses obligations légales ou contractuelles,
une action de groupe peut être exercée devant une juridiction civile ou
administrative. » Les associations déclarées depuis au moins cinq ans
et ayant comme objet statutaire la défense de l’environnement ainsi que
les associations de protection de l’environnement agrées pourront se
tourner vers le juge judiciaire ainsi que le juge administratif pour
faire cesser un manquement et/ou réparer les préjudices corporels et
matériels résultant du dommage causé à l’environnement.
Lors des
travaux à l’Assemblée Nationale, le garde des sceaux a précisé que
seuls les faits générateurs survenus après l’entrée en vigueur de la
future loi pourront donner lieu à une action de groupe. « En effet, un
tel délai permettrait aux entreprises de se préparer à la mise en œuvre
de ce nouveau dispositif collectif d’indemnisation des préjudices, qui
peut avoir des conséquences financières importantes pour leur
trésorerie. »
Le
chapitre Ier relatif à « l’action de groupe devant le juge judiciaire »
du titre V relatif à l’action de groupe, fonde l’action de groupe dans
le domaine de l’environnement sur l’article L. 142-3-1.
Ainsi
lorsque plusieurs personnes physiques, placées dans une situation
similaire, subissent des préjudices individuels résultant d’un dommage
causé à l’environnement par une même personne, ayant pour cause commune
un manquement de même nature à ses obligations légales ou
contractuelles, une action de groupe peut être exercée devant une
juridiction civile ou administrative.
Cette
action pourrait être engagée pour faire cesser le manquement et/ou
réparer les préjudices corporels et matériels résultant du dommage causé
à l’environnement.
Plus
globalement, le projet de loi a le mérite de créer un cadre juridique
commun aux actions de groupe en matière de données personnelles, de
discrimination et d’environnement devant le juge judiciaire, d'une part,
et le juge administratif, d'autre part. Pour les juridictions
administratives, l'action de groupe ne concernerait, dans un premier
temps, que les litiges relatifs à des discriminations. L'article 43 du
projet de loi dispose qu’un tel recours pourrait être engagé lorsque
plusieurs personnes placées dans une situation similaire subissent un
dommage causé par une personne morale de droit public ou de droit privé
chargée de la gestion d'un service public, ayant pour cause un
manquement à ses obligations légales ou contractuelles.
L’action
de groupe environnemental revêt avant tout un fort intérêt symbolique
car elle rendrait plus effectif l’accès à la justice environnementale,
en permettant aux victimes, souvent en situation d’isolement de parvenir
aux portes du prétoire.
L’Assemblée
Nationale a adopté mardi 24 mai, en première lecture, le projet de
réforme. Les débats au Sénat aboutiront peut être à une consécration de
ce dispositif. Toutefois même si le projet est abandonné, force est de
constater que l’évolution du droit va incontestablement vers l’extension
de ce mode d’action collective et permet au débat relatif à
l’efficacité des recours contentieux en matière environnementale de
refaire surface. Une commission mixte paritaire doit se prononcer sur le
texte, les deux chambres ayant adopté des textes différents (Projet de
loi n° 738 de modernisation de la justice du XXIème siècle, adopté par
l’Assemblée Nationale le 24 mai 2016).
Adrien Fourmon
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