vendredi 14 août 2009

Du comité carbone au comité biodiversité au sein de la direction des entreprises et jusqu'en bas de la "supply chain"

La responsabilité environnementale des entreprises pourrait à nouveau évoluer avec l'apparition au sein des comités de direction d'un "comité carbone" aux conseils d'administration.

Le rapport Stern sur l'économie du changement climatique, publié à l'autonome 2006 est considéré comme marquant le tournant dans la manière dont les cercles dirigeants abordent désormais la question du climat et l'intégration du prix du carbone.

Une telle évolution dans la gouvernance des entreprises pourrait être un nouveau garde-fou en matière environnementale dans les conseils d'administration ?

Les entreprises doivent en effet évoluer et s'adapter face au réchauffement climatique, en prenant en compte la problématique "carbone" dans leurs décisions et leurs stratégies.

Selon Matthieu Coutecuisse, consultant français en gouvernance, dans un récent article publié dans le journal LES ECHOS (juillet 09), les entreprises doivent anticiper et piloter l'émergence des futures taxes carbone. Et elles doivent le faire au plus haut niveau, dans les conseils d'administration.

Celui-ci souligne que "la cible de la neutralité carbone va devenir à la fois centrale et systémique au sein des entreprises qui pensent marchés et clients".

Ainsi, la neutralité carbone devient un nouveau principe de gouvernance.

Par exemple, Evian (groupe Danone) vise la neutralité carbone pour 2011. HSBC estime quant à elle être la première grande banque mondiale à avoir atteint la neutralité carbone.

Dès lors, la structuration et l'évaluation régulière de l'empreinte carbone, effectuée au plus haut niveau, dans les conseils d'administration, doit ensuite être répercutée efficacement dans l'ensemble des maillons de l'entreprise.

L'enjeu de la mise en place d'une politique “Bilan Carbone Neutre” est d'assurer en interne que les employés et les collaborateurs, ainsi que l'ensemble des partenaires et des acteurs de la "supply chain" en externe soient pleinement engagés et associés dans la poursuite de ces objectifs.

D'autres facteurs doivent être également pris en compte en terme de biodiversité et et de préservation des écosystèmes. Il y a notamment urgence à mettre au point des outils de mesure économique qui reflètent mieux que le PIB la performance des économies entendue au sens large.

Il faut des systèmes de comptabilité nationale plus globaux, qui mesurent les bénéfices issus de la biodiversité et des écosystèmes. En n’ignorant plus ces bénéfices, de tels systèmes aideraient les dirigeants des entreprises ainsi que les responsables politiques à prendre des mesures mieux fondées et à mettre en place des mécanismes de financement appropriés pour la conservation de notre capital naturel.

La prochaine étape sera dès lors d'intégrer les autres problématiques environnementales au sein des comités de direction, afin d'intégrer la problématique de l'empreinte écologique au sens large, notamment liée à la prise en compte de la biodiversité. Sur ce point, l'indicateur développé par le Global Footprint Network (GFN) peut être un instrument particulièrement utile.

A ce titre, le rapport sur «L’économie des écosystèmes et de la biodiversité» (The Economics of Ecosystems and Biodiversity - TEEB) de M. Pavan Sukhdev (économiste - directeur à la Deutsche Bank) pourrait à terme avoir le même effet que le rapport Stern. Le rapport d’étape de TEEB est disponible en ligne à l’adresse suivante : http://ec.europa.eu/environment/nature/biodiversity/economics/index_en.htm

Le récent Rapport de B. Chevassus-au-Louis "Approche économique de la biodiversité et des services liés aux écosystèmes - Contribution à la décision publique" sera également particulièrement utile pour les décideurs (http://www.strategie.gouv.fr/IMG/pdf/04Rapport_biodiversite_28avril2009_.pdf)

D'où la nécessité de prendre en compte ces nouveaux éléments dans les négociations contractuelles : syndicats, fournisseurs, sous-traitants, clients..., afin de faire valoir concrêtement cet avantage concurrentiel pour l'entreprise et l'environnement.

Adrien FOURMON

Quel risque juridique lié à la finance carbone? les "subprimes carbon"

Les «subprimes carbon», sont-elle une menace, pour la communauté financière et pour la société?

Après la crise des subprimes immobiliers, produits financiers découlant de prêts hypothécaires, et qui ont mené le monde à deux doigts de la faillite systémique, nous pourrions bien être victime d'une prochaine crise des subprimes carbon.

L'organisation "Friends of the Earth US" définit les «subprimes carbon» comme étant des crédits carbone de haut risque, basés sur des projets mal ficelés de captage ou de réduction des gaz à effet de serre.

Le rapport intitulé Subprime Carbon? Re-thinking the World’s Largest New Derivatives Market, est disponible ici: http://www.foe.org/subprimecarbon

En effet, selon Friends of the Earth US, le marché carbone, qui est en pleine croissance, pourrait déboucher prochainement sur une catastrophe, sur le plan économique mais également environnemental.

Celle-ci indique que «Si nous ne sommes pas vigilants, nous pourrions créer un marché massif de dérivés, très peu réglementé qui non seulement poserait des risques financiers, mais minerait les efforts réalisés jusqu'ici pour sauver le climat».

La valeur de ces crédits pourrait effectivement s’effondrer, alors même qu’ils sont d'ores et déjà scindés en morceaux et revendus sur les marchés secondaires, à l'instar des subprimes et autres produits financiers dérivés.

Dès lors, l'organisation écologiste va juesqu'à recommander d’interdire les mécanismes de compensation et de créer un système menant à un prix stable pour le carbone.

tion écologiste préconise la vigilance: «Nous devons éviter de mettre tous nos oeufs dans le même panier. Bien que de nombreux législateurs parlent des marchés carbone comme s'il s'agissait de la seule façon de réduire les gaz à effet de serre, il n'existe pas de voie unique pour résoudre la question».

Le débat sur l'évaluation du prix du carbone et la taxe carboneest ainsi relancé par ce nouveau rapport, qui permet de poser la question de la volatilité du prix du carbone et du risque juridique liée à son évaluation par le biais des instruments économiques et du marché.

Adrien FOURMON

Interview ARER

Voici un lien vers la récente interview que j'ai donné sur le site de l'Agence Régionale pour l'Energie Réunion (AERER), disponible ici : http://www.arer.org/news/affiche_news.php?article=401

Je reproduis ci-dessous l'interview :

Droit et Energies - Invité: M. Adrien FOURMON, Avocat [12/08/2009] - par Richard HUITELEC







Dans le cadre de l'objectif d'autonomie énergétique à l'horizon 2025, l'ARER poursuit ses interviews auprès des professionnels du droit de toute horizon sur la thématique "Droit et Énergies". Le nouvel invité est Maître Adrien FOURMON, avocat.

Quelles sont vos différentes activités dans le domaine de l'environnement et/ou de l'énergie?

Je suis avocat au barreau de Paris et collaborateur de Maître Christian HUGLO et de Maître Corinne LEPAGE au sein du Cabinet HUGLO LEPAGE & Associés Conseil, spécialisé en droit public et en droit de l’environnement. Le cabinet a développé une activité contentieuse et de conseil en droit public et en droit de l’environnement et bénéficie d’une réputation incontournable dans ces domaines.

Je suis titulaire d’un LLM en droit commercial international de l’Université de Nottingham et d’un Mastère Spécialisé en droit international des affaires et management de l’Essec.

J’interviens au sein du cabinet principalement dans les domaines du droit public économique et de droit commercial, dans le conseil et l’assistance juridique aux montages d’opérations publiques et privées.

Je suis particulièrement impliqué dans le secteur de l’énergie et des EnR et plus généralement des nouvelles technologies environnementales ainsi que dans le secteur du transport, dans le cadre des montages des projets, avec une prise en compte des enjeux liés au développement durable.

J’enseigne cette année dans le cadre du master professionnel "Ingénierie des partenariats privé-public" de l’IEP de Lyon un séminaire portant sur l’approche développement durable dans les PPP et les aspects de conseil et de contentieux du développement d’un projet.

L'objectif affiché par La Région Réunion et ses partenaires est celui d'une autonomie énergétique à l'horizon 2025, qu'en pensez-vous?

L’objectif semble tout à fait réalisable. La Réunion dispose désormais de tous les outils pour y parvenir. Avec une part de 36 % de la consommation totale d’électricité provenant des EnR, en constante augmentation, et les récents objectifs fixés par le Grenelle de la Mer avec notamment le Plan « Energies bleues » qui insiste sur le développement des énergies marines, tout mène à penser que l’objectif, qui a été fixé en 1999 par le Président de la région Paul Vergès, est atteignable. Cependant, cela suppose de ne pas relâcher les efforts déjà engagés.

L’autonomie énergétique à l'horizon 2025 reste un objectif ambitieux qui reflète également l’objectif national de la France de porter la part des énergies renouvelables à au moins 23 % de la consommation d’énergie finale d’ici à 2020 et celui de l’Union européenne de façon plus générale (les 3 fois 20) en matière de contribution à la lutte et à l'adaptation au changement climatique, qui doit être placé au premier rang des priorités.

Dans cette perspective, la loi « Grenelle I » n° 2009-967 du 3 août 2009 a confirmé l’engagement pris par la France de diviser par quatre ses émissions de gaz à effet de serre entre 1990 et 2050 en réduisant de 3 % par an, en moyenne, les rejets de GES dans l’atmosphère, afin de ramener à cette échéance ses émissions annuelles à un niveau inférieur à 140 millions de tonnes équivalent de dioxyde de carbone.

Il s’agit d’un objectif global, qui doit être considéré par une approche différenciée, en fonction des enjeux, des opportunités, des contraintes et des spécificités locales qu’elles soient sociétales, environnementales, énergétiques et économiques (suivant la théorie de l’optimum de Pareto).

La France s’est fixée comme objectif de devenir l’économie la plus efficiente en équivalent carbone de la Communauté européenne d’ici à 2020 ; la Réunion pourrait devenir l’un des champions français en la matière et servir ainsi d’exemple au reste de l’Outre-mer et à la Métropole.

La loi Grenelle I a d’ailleurs fixé un objectif, dès 2020, de 50 % d’énergies renouvelables dans la consommation finale au minimum dans les collectivités territoriales d’Outre-mer (20% pour Mayotte).

Un autre aspect important pour conforter l’objectif d’autonomie énergétique réside dans la nécessité de développer des technologies de stockage de l’énergie et de gestion du réseau pour augmenter la part de la production d’EnR intermittente.

Les collectivités locales ont-elles, selon vous, les compétences adéquates pour accompagner cet objectif?

On ne peut que saluer l’implication de la Région Réunion dans son objectif d’autonomie énergétique pour 2025 et notamment l’aide qu’elle apporte aux différentes communes de l’île. L’important est de faire la promotion du recours aux énergies renouvelables non seulement aux entreprises mais aussi aux particuliers qui représentent près de 46 % de la consommation totale d’énergie de l’île.

L’autonomie énergétique en 2025 ne se réalisera pas sans une implication forte de la part de chacune des collectivités locales, elles seules disposent de moyens suffisants pour concrètement mettre en place cette stratégie.

L’action des collectivités locales en matière d'urbanisme doit désormais contribuer à la lutte contre le changement climatique et à l'adaptation à ce changement, conformément aux dispositions de l’article L110-1 du code de l’urbanisme.

L’atteinte de cet objectif dépendra donc de l’implication concrète des collectivités ; leur rôle incitatif est également primordial.

La conciliation des objectifs de protection de l'environnement (site, paysages, biodiversité) et de développement des énergies renouvelables est parfois délicate. Comment la concevez vous?

Il est vrai que la question est délicate, notamment compte tenu des récents débats et controverses liés aux éoliennes et à leur impact sur la biodiversité et la détérioration des paysages. Le développement des EnR doit bien entendu se faire avec le moins de dommages collatéraux possible, et avec les compensations nécessaire pour maintenir un certain équilibre.

Les effets négatifs des éoliennes notamment en terme de bruit, de dangers pour la faune et de contraintes pour le paysage constituent en effet un frein au développement de ce type d’énergie.

A ce propos, le développement du solaire photovoltaïque représente un bon compromis en terme d’équilibre entre protection de l’environnement d’une part et développement des EnR d’autre part.

Pareillement, l’impact de l’utilisation des énergies marines sur la biodiversité et sur les sites de production d’énergie doit être pris en compte et reste encore peu connu. Plusieurs propositions ont dores et déjà été avancées par des chercheurs, notamment la confection de système acoustique permettant de maintenir les mammifères marins à l’écart des infrastructures productrices d’énergie.

Pensez-vous que les questions de réglementation et de législation sont des problématiques bien comprises par les différents acteurs dans le domaine de l'énergie et du développement durable?

Clairement, non. Il y a à mon sens à ce jour une déficience importante d’information des différents acteurs et parties prenantes dans le domaine de l'énergie et du développement durable. Construire une nouvelle économie conciliant protection de l’environnement, progrès social et croissance économique exige une prise en compte élargie et la mobilisation de la société sur ces domaines.

D’ailleurs, l’Etat s’est fixé comme objectif que, d’ici à 2012, les formations initiales et continues dispensées à ses agents comportent des enseignements consacrés au développement durable et à la prévention des risques sanitaires, sociaux et environnementaux adaptés aux fonctions et responsabilités auxquelles préparent ces formations.

Ce déséquilibre d’accès à l’information existe pareillement dans la sphère privée qui souffre d’un manque d’expertise et de main d’œuvre qualifiée pour faire face aux objectifs fixés en la matière.

La promotion actuelle de l'élaboration des Plans Climats Territoriaux est-elle accompagnée d'un encadrement réglementaire et législatif adéquat?

La loi Grenelle I va permettre le renforcement du rôle des collectivités publiques pour des programmes d'aménagement durable. Celles-ci ont un rôle d’exemplarité et d’orientation à jouer en la matière.

Selon l’article 7 de la loi Grenelle I, le rôle des collectivités publiques dans la conception et la mise en oeuvre de programmes d’aménagement durable doit être renforcé, l’Etat incitant les collectivités locales à établir, « plans climat-énergie territoriaux » (PCET) avant 2012.

L'Etat incite ainsi les collectivités (régions, les départements et les communes et leurs groupements de plus de 50 000 habitants) à établir des PCET en cohérence avec les autres documents d'urbanisme, et tout particulièrement les SCOT et PLU.

Les collectivités locales vont donc jouer un rôle majeur en tant qu’acteur direct et indirect compte tenu des nombreuses implications qu’elles peuvent avoir dans le domaine de l’énergie.

Si vous deviez modifier ou introduire une règle juridique pour favoriser les énergies renouvelables, que feriez-vous?

Il est nécessaire de développer une planification du territoire intégrant pleinement les enjeux du développement durable. C’est pourquoi il est nécessaire que les règles d’urbanisme permettent à l’avenir l’intégration obligatoire des EnR au sein des plans locaux d’urbanisme et que la mise en place de projets d’aménagement et d’urbanisme fassent partie intégrante des stratégies énergétiques et d’adaptation au changement climatique des collectivités locales.

A ce jour, il ne s’agit que d’une faculté, suivant l’article L123-1 du code de l’urbanisme, les PLU ne pouvant que « recommander » l'utilisation des énergies renouvelables pour l'approvisionnement énergétique des constructions neuves, en fonction des caractéristiques de ces constructions, sous réserve de la protection des sites et des paysages.

mardi 11 août 2009

Instruments économiques pour la régulation environnementale : la taxe carbone et l'efficacité économique comme seul critère de choix ?

La convocation de la conférence d’experts sur la contribution climat énergie (CCE) est une occasion de revenir sur la question de l’évolution des instruments économiques de l’environnement, afin de donner un prix au carbone et de la place prépondérante de l’économie dans le Grenelle de l’Environnement.

Les effets externes tels que les gaz à effet de serre peuvent entraîner des coûts très élevés pour la société dans son ensemble alors qu'ils sont le fait de certains agents économiques qui ne paient pas les coûts de ces effets. Le rapport Stern a démontré que le coût de l’inaction pouvait se chiffrer entre 5 et 20 % du PIB mondial.

La question du choix entre les instruments de correction des externalités environnementales font toutefois apparaitre que la combinaison des instruments peut être un moyen de corriger certains problèmes généralement associés au recours à un seul type d’instrument.

Ainsi, nous voyons apparaître un bouquet de mesures incitatives et contraignantes permettant d’aboutir à l’objectif fixé de protection de l’environnement et de lutte contre le réchauffement climatique, tout en assurant une flexibilité et une meilleure efficacité des actions en réduisant les coûts, afin de tendre vers le développement dune économie « verte ».

Tous les instruments économiques disponibles possèdent leurs avantages et inconvénients. Une analyse coût avantage permet d’optimiser les dispositifs et d’aboutir à un effet redistributif (le double, voire triple dividende économique, environnemental et social) en augmentant l'efficacité des mesures. C’est ce que l’on nomme dans le jargon économique « l’optimum de Pareto ».

Le recours aux instruments économiques de régulation environnementale est désormais largement admis comme un moyen de corriger les effets négatifs d’externalités telles que le rejet d’émissions polluantes et les émissions de gaz à effet de serre.

On peut citer, en matière de mécanismes de marché, notamment les quotas d’émission de CO² ; les certificats d’économie d’énergie, l’obligation d’achat de l’électricité d’origine renouvelable, les garanties d’origines.

Le recours aux autres instruments économiques et notamment à la fiscalité est plus délicat. La France a recours depuis plusieurs années à la TGAP et le TIPP. Avec le Grenelle de l’Environnement, nous allons prochainement voir aboutir la taxe carbone.

La taxe carbone est un montant que doit payer un émetteur pour chaque unité émise. La taxe doit être établie au niveau du coût marginal optimum, pour que les agents choisissent le niveau d'émission optimal. En effet, si un agent a un coût marginal de dépollution plus faible que la taxe il a intérêt à dépolluer plutôt que de payer la taxe. Si, par contre, le niveau de dépollution est tel que le coût de dépollution de la dernière unité est plus élevé que le niveau de la taxe, l'agent à intérêt à payer plutôt que dépolluer.

D’autres mécanismes sont encore en cours de discussion, notamment les péages urbains, dont le succès apparaît vident chez nos voisins européens.

La supériorité souvent alléguée des instruments économiques sur les instruments réglementaires est générale sans être pourtant systématique, dépendant en particulier des imperfections de l'information ou de la concurrence. L'argument de l'efficacité ne suffit pas toujours à imposer l'utilisation d'un instrument là où des considérations d'acceptabilité prévalent.

Le débat sur la contribution énergie-climat est donc ouvert.

La conférence d’experts devra ainsi se prononcer à la fois sur l’assiette et le taux de la CCE mais aussi sur son instrument juridique.

Le Livre blanc présenté par le Ministre de l’Ecologie retient à ce stade deux hypothèses. Une première possibilité dite « additionnel » consisterait à ajouter cette contribution aux taxes existantes. Une deuxième possibilité dite « différentiel » reviendrait à créer une nouvelle taxe, assise sur le contenu en CO² des énergies fossiles.

La révolution fiscale verte est en cours, cependant il n’est pas n’envisagé une entrée en vigueur avant 2011.

La combinaison des instruments est bien selon nous un moyen efficace de parvenir à la réduction des émissions de GES souhaitée et réduit le risque d’erreur du régulateur, celui-ci ayant plusieurs leviers à sa disposition pour éventuellement corriger son action.

Nous en conclurons qu’au-delà des seuls critères théoriques d’efficacité économique et environnementale, la comparaison entre différents instruments nécessite pour être conclue, d’intégrer le contexte de leur mise en œuvre.

Adrien FOURMON
Avocat à la Cour
SELARL HUGLO LEPAGE et Associés Conseil


Publié aux Petites Affiches n°148
27 juillet 2009

Financer l’efficacité énergétique dans les bâtiments publics par les instruments économiques en faveur de l’efficacité énergétique : le CPE

Selon le projet de loi Grenelle I (art. 3), le secteur du bâtiment consomme plus de 40% de l’énergie finale et contribue pour 1/4 aux émissions nationales de gaz à effet de serre (GES). Au coeur des enjeux de la lutte contre le réchauffement climatique, il représente le principal gisement d’économies d’énergie exploitable immédiatement.

La réalisation des objectifs de division par quatre les émissions de GES entre 1990 et 2050 impose la rénovation accélérée du parc de bâtiments existants. Face aux objectifs du Grenelle de l’Environnement, l’Etat et les collectivités ont besoin d’un mode de financement innovant pour rénover leurs bâtiments et améliorer leur performance énergétique.

Face à la crise du financement public et dans un contexte de libéralisation du marché de l’énergie, comment financer ce besoin de modernisation et d'optimisation énergétique?

Selon une étude de l’Agence internationale de l’énergie du 20 mars 2008, les barrières financières telles que les coûts de départ très élevés et les insuffisances des instruments financiers traditionnels, sont les principaux éléments qui empêchent les acteurs privés de s’engager pour améliorer la performance énergétique dans le secteur du bâtiment notamment résidentiel.

Divers instruments économiques en matière de maîtrise de l’énergie dans le cadre de montages de projets, de gestion de l’énergie et d’efficacité énergétique (EE) dans le patrimoine public et privé existent: subventions, incitations fiscales et crédits d’impôt, certificats d’économie d’énergie, ainsi que des appuis financiers spécifiques notamment des prêts bonifiés et des fonds d’investissement spécialisés.

En outre, le contrat de performance énergétique (CPE) constitue un modèle innovant de financement des investissements en économie d’énergie (dans le bâti existant et neuf) et une mesure incitative supplémentaire qui permettrait une plus forte implication du secteur privé.

Celui-ci consiste en un accord relatif à des prestations d’amélioration de l’EE d’une structure par lequel un partenaire privé finance, conçoit et réalise des travaux de construction et/ou de maintenance dont le niveau de performance est garanti contractuellement par une clause de garantie sur économies d’énergie réalisées, permettant de raisonner en coût global, par rapport aux problématiques d’investissement et de fonctionnement.

A ce titre, le projet de Loi Grenelle I (art. 5) prévoit que les travaux de rénovation thermique prévus sur les 50 millions m² des bâtiments de l’Etat et les 70 millions m² de ses principaux établissements publics seront réalisés par recours privilégié aux contrats de partenariat public privé (PPP), notamment des CPE. En outre, l’Etat invite les collectivités territoriales, dans le respect de leur autonomie, à engager un programme de rénovation dans les mêmes conditions.

De plus, afin de permettre une rénovation énergétique accélérée du parc résidentiel existant, l’Etat prévoit des incitations financières pour soutenir la réalisation des travaux et encouragera la simplification et l’aménagement des CPE en vue d’assurer leur diffusion. Il étudie les dispositifs d’incitations financières encourageant la réalisation de travaux de rénovation thermique lourde notamment par des financements innovants qui utilisent les gains réalisés par les économies d’énergie.

Les banques et les sociétés de services énergétiques (« SSE » ou ESCO) sont donc privilégiés pour financer cette rénovation de masse. Ainsi, la mise en oeuvre à grande échelle de travaux de rénovation thermique réduira durablement les dépenses énergétiques et contribuera à améliorer le pouvoir d’achat des Français.

La réduction de la consommation d’énergie constitue un vaste chantier dont les fondations pourraient être posées par le CPE, un outil contractuel prometteur de maîtrise des coûts. Celui-ci devrait faire l’objet prochainement d’une réglementation particulière.

Publié dans CIRCUMEO, n°49, mai 2008.

Adrien FOURMON
SELARL HUGLO LEPAGE et Associés Conseil

vendredi 7 août 2009

Développement durable : un moteur pour les PPP

Le rapprochement entre partenariat public-privé et développement durable n’est pas un effet de mode ou un rapprochement de circonstance.
La notion de développement durable est prise en compte dans la problématique des PPP, suivant la loi du 28 juillet 2008 modifiée par une décision du Conseil constitutionnel du 24 juillet 2008.

Le rapprochement entre partenariat public-privé et développement durable n’est pas un effet de mode ou un rapprochement de circonstance.
Le droit de la commande publique n’échappe pas à sa prise en compte dans un double contexte réglementaire.
Au niveau communautaire, l’article 6 du Traité CE stipule que les exigences en matière de protection de l’environnement doivent être intégrées dans la définition et la mise en œuvre des autres politiques de la communauté (adoption des mesures intégrant les besoins en matière d’environnement dans la planification et, l’exécution des activités économiques et sociales).
Les interventions du législateur communautaire en faveur de la prise en compte des considérations environnementales se sont traduites par les directives marchés n°2004/17 et 2004/18 du 31 mars 2004.
En France, le décret n°2004-15 du 7 janvier 2004 portant code des marchés publics a intégré ces préoccupations environnementales au niveau des critères de jugement des offres et des candidatures tandis que l’article 6 de la Charte de l’Environnement a conféré au développement durable une valeur constitutionnelle, puisque « les politiques publiques doivent promouvoir un développement durable. A cet effet, elles concilient la protection et la mise en valeur de l’environnement, le développement économique et le progrès social ».

Dès lors la promotion du développement durable fait partie des objectifs essentiels devant être poursuivis par les personnes publiques lorsqu’elles procèdent à leurs achats quelqu’en soit l’objet.

Ainsi, se pose la question de savoir en quoi le contrat de partenariat public-privé peut-il favoriser la promotion du développement durable ?

Après avoir défini les conditions du rapprochement développement durable et Partenariat public privé, nous examinerons les conséquences de ce rapprochement.

I LES CONDITIONS DU RAPPROCHEMENT DEVELOPPEMENT DURABLE ET PARTENARIATS PUBLIC-PRIVES
Le recours au contrat de partenariat (CP) se traduit ainsi par la définition des besoins de la personne publique, et par les objectifs de performance dans le domaine du développement durable.

La définition des besoins de la personne publique

Comme l'a confirmé le Conseil d'Etat dans son arrêt du 29 octobre 2004, M. Sueur et autres, l'évaluation préalable, prévue à l'article 2 de l'Ordonnance du 17 juin 2004, doit permettre de répondre à deux questions :
Le partenariat est-il possible ? Le partenariat est-il souhaitable ?

En outre, une évaluation réalisée par la personne publique doit démontrer que ce choix contractuel offre une solution alternative moins coûteuse et/ou plus avantageuse.

S’agissant de la deuxième question, la personne publique doit exposer les éléments d'analyse économiques, juridiques, financiers et administratifs qui justifient le recours au PPP plutôt qu'à un montage classique (marché public/DSP) ou à une gestion en régie. L'évaluation préalable devra démontrer que les avantages attendus du CP justifient le recours à cette procédure. A priori, en termes de performance, le CP devrait s'avérer plus attractif que le marché public en ce qu'il permet de lier le montant des paiements à des objectifs de performance négociés entre les parties et mesurés par des indicateurs. Enfin, le CP devrait aboutir à une mise en service rapide de l'infrastructure.
Le titulaire du PPP doit proposer à la personne publique les moyens de satisfaire les objectifs ci-dessus définis.

Les objectifs de développement durable, critère de sélection des PPP

Le Code des marchés publics de 2006 (art. 6) a introduit l’obligation dans les marchés publics de prendre en compte les objectifs du développement durable lors de la détermination de la nature et de l’étendue du besoin.
Si les textes prévoient expressément que les objectifs de performance dans le domaine du développement durable peuvent être instaurés en tant que critères de sélection, il reste que ce critère doit être utilisé avec précaution.

Les directives n°2004/17 et 18 CE du 31 mars 2004 et la jurisprudence prévoient que le critère environnemental dans les marchés doit avoir un lien avec l’objet du marché.

Cette condition est reprise aux articles 8-I alinéa 3 de l’ordonnance du 17 juin 2004 (art. L.1414-9-I alinéa 3 du CGCT), qui prévoient que les objectifs de performance, en particulier en matière de développement durable devront être définis en fonction de l’objet du contrat.

Il faut ajouter à ce qui précède que l’article 11 f de ladite ordonnance prévoit qu’un CP doit comporter nécessairement des clauses relatives « aux modalités de contrôle par la personne publique de l’exécution du contrat notamment en matière de développement durable et de mise en œuvre des clauses sociales ».

Par ailleurs, selon la jurisprudence de la CJCE les critères environnementaux ne peuvent être pris en compte pour déterminer l’offre économiquement la plus avantageuse que sous trois conditions cumulatives :
- ne pas conférer au pouvoir adjudicateur une liberté inconditionnée de choix ;
- être expressément mentionnés dans le cahier de charges ou dans l’avis de marché ;
- respecter tous les principes fondamentaux du droit communautaire et notamment, le principe de non discrimination et d’égalité de traitement.


LE DEVELOPPEMENT DURABLE, UN MOTEUR POUR LES PPP

La notion de développement durable est prise en compte dans la problématique des PPP, suivant la loi du 28 juillet 2008 modifiée par une décision du Conseil constitutionnel du 24 juillet 2008.

Les PPP connaissent ainsi un essor particulier dans les domaines de l’éclairage public et des contrats de performance énergétique.

L’essor des ppp dans l’éclairage public

L’éclairage public fait l’objet d’une part importante des CP signés par les collectivités territoriales, et constitue un domaine dans lequel des préoccupations environnementales sont importantes et permet à la fois une économie d’énergie mais également la fourniture d’énergie « verte ».

On citera notamment les PPP d’Auvers-sur-Oise (Val d’Oise), Hérouville-Saint-Clair (Calvados), et la ville de Libourne (Gironde) laquelle a conclu un CP pour la mise à niveau et l’entretien de son éclairage public et de sa signalisation lumineuse tricolore. Au 2 janvier 2009, sur les 219 CP, 30 concernent l’éclairage public.
L’argument écologique est souvent avancé, au titre de la fourniture « d’électricité verte », de la rénovation des matériels et du recyclage des dispositifs remplacés. Ainsi, le syndicat d’agglomération nouvelle de Sénart-en-Essonne a conclu un CP de 15 ans présenté comme « entièrement dédié au développement durable » pour la reconstruction, la rénovation, la maintenance et la gestion de l’ensemble du système d’éclairage pour plus de 2 500 points lumineux. On retiendra l’importance cruciale de la définition des besoins, du recensement des points lumineux, des panneaux de signalisation. La définition de la performance souhaitée par la collectivité constitue l’un des points clés du CP.

L’essor des partenariats public privés dans le contrat de performance énergétique (CPE)

Le CPE consiste en un accord relatif à des prestations d’amélioration et d’économies d’énergie d’une structure. Le contrat de performance peut porter sur la gestion et l’exploitation de bâtiments, le financement et l’exploitation des éléments techniques, ou plus simplement l’isolation thermique des bâtiments.
Le CPE permet de prévoir le renouvellement des équipements dégradés et dresser un bilan énergétique de la commune.

Ainsi par exemple, en matière de chauffage urbain, le CPE constitue un complément de la commande publique. La directive européenne 2006/32 CE du 5 avril 2006 qui vise à promouvoir les services énergétiques a ouvert un nouveau cadre juridique destiné à faciliter la mise en œuvre de partenariats public privés au sein desquels les collectivités territoriales peuvent imposer leurs priorités en matière d’économies d’énergie.

Par ailleurs, nonobstant la décision du Conseil Constitutionnel (décision 2008/567DC), sanctionnant la généralisation du contrat de PPP, l’article 5 du projet de loi Grenelle I, prévoit : « lorsque les conditions définies par l’ordonnance 2004-559 du 17 juin 2004 sur les contrats de partenariat sont satisfaites, il peut être fait appel de façon privilégiée à des contrats de partenariat public/privé pour réaliser les travaux de rénovation en matière d’économie d’énergie portant sur respectivement les 50 et 70 millions de m² de surface des bâtiments de l’Etat et des principaux établissements publics ».

Ainsi, le recours au PPP apparaît comme une formule privilégiée, et un élément clé de la politique française de développement durable.

Une dizaine de projets de CPE sont actuellement en cours en France (notamment le projet de l’Université de Saint-Quentin-en-Yvelines), le premier CPE ayant été signé en octobre 2007 par la ville de Tours.

Ainsi, les PPP devraient-ils constituer un outil gagnant/gagnant à la fois pour le développement accéléré des programmes permettant d’améliorer l’efficacité énergétique et pour développer les politiques de développement durable.

Les points clés
Les directives n°2004/17 et 18 CE du 31 mars 2004 et le projet de loi Grenelle I prévoient que les critères environnemental et social dans les marchés doivent avoir un lien avec l’objet du marché.
Ainsi, les PPP devraient-ils constituer un outil gagnant/gagnant, à la fois pour le développement accéléré des programmes permettant d’améliorer l’efficacité énergétique et pour développer les politiques de DD.

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HUGLO LEPAGE & Associés Conseil est une société d’avocats, spécialisée en droit public et en droit de l’environnement et développement durable qui intervient notamment dans le cadre du montage d’opérations d’infrastructures complexes.
Corinne Lepage est avocat spécialisée en droit de l’environnement et en droit public, professeur à l’IEP de Paris et ancien ministre de l’environnement.
Adrien Fourmon est avocat en droit public des affaires et contrats publics.


Adrien FOURMON Avocat
&
Corinne LEPAGE Avocat Associé gérant
SELARL HUGLO LEPAGE & Associés Conseil

Publié dans Décideurs - Stratégie Finance Droit, février 2009