La région Guadeloupe se prépare à mettre en œuvre sa politique énergétique sur le fondement de l’habilitation prévue par la loi l’autorisant à fixer des règles spécifiques dans le domaine de l’énergie.
Sur les traces de la Réunion, la Région Guadeloupe inscrit sa politique dans le cadre du développement durable et de la lutte contre le réchauffement climatique.
Disposant d’un patrimoine naturel et d’une biodiversité hors du commun, la Guadeloupe n’échappe pas aux pollutions, dégradations ou épuisement des sols dus à l’activité humaine. Le contexte de réchauffement climatique met sérieusement en danger la biodiversité et l’île de la Grande-Terre n’est pas à l’abri d’une montée de eaux.
DEPENDANCE ENERGETIQUE DE LA GUADELOUPE
La Région Guadeloupe est dépendante énergétiquement, elle ne produit ni pétrole ni charbon et doit par conséquent importer ses ressources, qui, du fait de l’insularité de la région doivent être acheminées par voie maritime. Or, ce mode de transport est particulièrement onéreux et la Région, du fait de sa condition géographique, ne peut être reliée au réseau électrique du continent.
Avec une demande d’électricité multipliée par 2 en 15 ans et qui provient pour 86 % des énergies fossiles, la Guadeloupe doit de toute urgence maîtriser sa demande en énergie (MDE) et augmenter sa part d’énergies renouvelables (EnR). En effet, bien que 14 % de l’électricité provienne des EnR, le reste est extrêmement polluant et rejette une grande quantité de CO2 et de dioxyde de soufre dans l’atmosphère ce qui est particulièrement négatif dans le contexte actuel de réchauffement climatique.
La demande en énergie augmentant de 5 % par an (contre 1 % en métropole), la Guadeloupe se doit de réagir immédiatement. En effet, si les pratiques ne changent pas, la région se verra obligée de se doter de nouvelles centrales électriques fonctionnant au fioul ou au charbon, étant entendu qu’avec cette méthode, l’énergie produite est deux fois plus onéreuse qu’en métropole.
Dans cette optique, la Loi n°2000-1207 dite « loi d’orientation pour l’Outre-mer » votée le 13 décembre 2000 (JO 14 décembre 2000) permet en son article 50 (codifié à l’article L. 4433-18 du CGCT) aux régions de Guadeloupe, Guyane, Martinique et de la Réunion d’élaborer, adopter et mettre en œuvre un plan énergétique régional pluriannuel de prospection et d'exploitation des énergies renouvelables et d'utilisation rationnelle de l'énergie (PRERURE).
ADOPTION DU PRERURE
Ce n’est que le 23 mai 2008 que le Conseil régional de Guadeloupe a adopté en assemblée plénière le PRERURE. Ce plan fixe la stratégie de la région et de ses partenaires, l’Agence de l'Environnement et de la Maîtrise de l'Energie (ADEME) et EDF, en matière de MDE et de développement des EnR.
Le PRERURE définit les objectifs et les moyens en vue du renforcement de l’indépendance énergétique de la Guadeloupe.
HABILITATION LEGISLATIVE
Moins d’un an plus tard, lors de sa délibération n° 2009-269 du 27 mars 2009, le Conseil régional de Guadeloupe revendique son « droit à l’expérimentation » et demande habilitation, suivant l’article 73 de la Constitution de la République française, à légiférer et réglementer le domaine de l’environnement et de l’énergie sur son territoire.
Ainsi, depuis le 28 mai 2009, la Guadeloupe est habilitée à mener sa propre politique énergétique pour une durée de deux ans.
Celle-ci est prévue par l’article 69 de la Loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer qui dispose :
« Pour une durée de deux ans à compter de la promulgation de la présente loi, le conseil régional de Guadeloupe est habilité, en application de l'article 73, alinéa 3, de la Constitution et des articles LO 4435-2 à LO 4435-12 du code général des collectivités territoriales, à fixer des règles spécifiques à la Guadeloupe en matière de maîtrise de la demande d'énergie, de réglementation thermique pour la construction de bâtiments et de développement des énergies renouvelables, dans les limites prévues dans sa délibération n° CR / 09-269 du 27 mars 2009 publiée au Journal officiel du 3 avril 2009.
En ce qui concerne le développement des énergies renouvelables, la puissance installée des nouvelles installations ainsi que la variation des prix de rachat autorisée dans la limite de plus ou moins 10 % font l'objet d'un avis préalable du ministre chargé de l'énergie, à rendre dans le délai maximal de trois mois à compter de sa saisine par le conseil régional de Guadeloupe ».
Les enjeux de la région sont donc primordiaux et se pose la question du champ d’application de son habilitation. Jusqu’à quel point la région Guadeloupe peut-elle fixer sa politique énergétique ? L’article 69 de la Loi du 27 mai 2009 est assez flou puisqu’il limite l’habilitation à ce qui a été prévu dans la délibération du 27 mars 2009.
DES ENJEUX IMPORTANTS
L’habilitation porte sur trois grands axes, la maîtrise de la demande en énergie (MDE), le développement des EnR et la réglementation thermique pour la construction de bâtiments. Le champ d’application semble ainsi particulièrement vaste. Aucune précision supplémentaire ne peut nous éclairer.
La délibération prévoit en revanche « la nécessité d'adapter ou de transférer des dispositions contenues dans différents projets de lois en préparation (projet de loi pour le développement économique de l'outre-mer ; projet de loi de programme relatif à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement, projet de loi portant engagement national pour l'environnement) »
Le texte de loi habilitant la Région Guadeloupe limite son pouvoir réglementaire aux textes visés par la délibération du Conseil régional portant demande d'habilitation. La marge de manœuvre promet néanmoins d’être importante, vu le nombre de matières concerné par ces trois axes. On peut citer parmi d’autres, le droit de l’urbanisme, le droit de l’environnement et le droit fiscal…
Les possibilités sont nombreuses et plusieurs stratégies sont à considérer, il serait donc intéressant d’envisager quelques domaines sur lesquelles la Guadeloupe pourrait être amenée à durcir sa réglementation.
URBANISME
Au titre des règles d’urbanisme ces problématiques sont aujourd’hui intégrées aux règles générales d'utilisation du sol, à l’article L110 du code de l’urbanisme modifié récemment par Loi n°2009-967 du 3 août 2009 (loi « Grenelle I », art. 8)
Cet article 110 dispose désormais : « Le territoire français est le patrimoine commun de la nation. Chaque collectivité publique en est le gestionnaire et le garant dans le cadre de ses compétences. Afin d'aménager le cadre de vie, d'assurer sans discrimination aux populations résidentes et futures des conditions d'habitat, d'emploi, de services et de transports répondant à la diversité de ses besoins et de ses ressources, de gérer le sol de façon économe, de réduire les émissions de gaz à effet de serre, de réduire les consommations d'énergie, d'économiser les ressources fossiles d'assurer la protection des milieux naturels et des paysages, la préservation de la biodiversité notamment par la conservation, la restauration et la création de continuités écologiques, ainsi que la sécurité et la salubrité publiques et de promouvoir l'équilibre entre les populations résidant dans les zones urbaines et rurales et de rationaliser la demande de déplacements, les collectivités publiques harmonisent, dans le respect réciproque de leur autonomie, leurs prévisions et leurs décisions d'utilisation de l'espace. Leur action en matière d'urbanisme contribue à la lutte contre le changement climatique et à l'adaptation à ce changement».
A ce titre, les dispositions de l’article L123-1 du code de l’urbanisme pourraient être renforcées notamment en y insérant une intégration obligatoire des EnR au sein des plans locaux d’urbanisme (PLU). A ce jour, l’intégration des EnR n’est que « recommandée ».
On rappellera les termes de l’article L123-1 du code de l’urbanisme qui prévoit « Les plans locaux d'urbanisme comportent un règlement qui fixe, en cohérence avec le projet d'aménagement et de développement durable, les règles générales et les servitudes d'utilisation des sols permettant d'atteindre les objectifs mentionnés à l'article L. 121-1, qui peuvent notamment comporter l'interdiction de construire, délimitent les zones urbaines ou à urbaniser et les zones naturelles ou agricoles et forestières à protéger et définissent, en fonction des circonstances locales, les règles concernant l'implantation des constructions. A ce titre, ils peuvent : (…) Recommander l'utilisation des énergies renouvelables pour l'approvisionnement énergétique des constructions neuves, en fonction des caractéristiques de ces constructions, sous réserve de la protection des sites et des paysages ».
L’article L.121-1 quant à lui, modifié par la loi du 4 août 2008 (LME), définit les objectifs suivants : « 1° L'équilibre entre le renouvellement urbain, un développement urbain maîtrisé, le développement de l'espace rural, d'une part, et la préservation des espaces affectés aux activités agricoles et forestières et la protection des espaces naturels et des paysages, d'autre part, en respectant les objectifs du développement durable ;
(...)
3° Une utilisation économe et équilibrée des espaces naturels, urbains, périurbains et ruraux, la maîtrise des besoins de déplacement et de la circulation automobile, la préservation de la qualité de l'air, de l'eau, du sol et du sous-sol, des écosystèmes, des espaces verts, des milieux, sites et paysages naturels ou urbains, la réduction des nuisances sonores, la sauvegarde des ensembles urbains remarquables et du patrimoine bâti, la prévention des risques naturels prévisibles, des risques technologiques, des pollutions et des nuisances de toute nature ».
Chaque commune de Guadeloupe devrait non seulement intégrer dans son PLU les dispositions indispensables en matière de développement durable et d’EnR, mais aussi en faire une priorité.
CONSTRUCTION ET HABITATION
De la même façon le code de la construction et de l’habitation pourrait voir les dispositions de son article R. 111-20 renforcées afin de l’adapter au contexte climatique et énergétique Guadeloupéen.
Cet article, crée par le décret n°2006-592 du 24 mai 2006 relatif aux caractéristiques thermiques et à la performance énergétique des constructions impose que chaque bâtiment nouveau ou partie nouvelle de bâtiment respecte des caractéristiques thermiques minimales et fixe une limite de consommation d’énergie pour certains équipements électriques du bâtiment, à savoir le chauffage, la ventilation, la climatisation, la production d'eau chaude sanitaire et l'éclairage des locaux.
Une réglementation thermique a, de plus, été spécifiquement prévue pour les départements de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique et de La Réunion. Celle-ci est prévue par le décret n° 2009-424 du 17 avril 2009 portant sur les dispositions particulières relatives aux caractéristiques thermiques, énergétiques, acoustiques et d'aération des bâtiments d'habitation dans les départements de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique et de La Réunion.
Ce décret spécifique aux DOM traite de trois points, les caractéristiques thermiques et la performance énergétique des bâtiments d’habitation, les caractéristiques acoustiques et l’aération des bâtiments.
Le décret a été complété par l’arrêté du 17 avril 2009 définissant les caractéristiques thermiques minimales des bâtiments d'habitation neufs dans les départements de la Guadeloupe, de la Martinique, de la Guyane et de La Réunion.
Celui-ci traite plus particulièrement de la protection contre les rayonnements solaires et isolation thermique, de la perméabilité à l’air, de la ventilation naturelle de confort thermique, de l’eau chaude sanitaire et du chauffage.
Les dispositions du décret s'appliquent aux projets de construction de bâtiments qui font l'objet d'une demande de permis de construire ou d'une déclaration préalable prévue à l'article L. 421-4 du code de l'urbanisme déposées à compter du premier jour du treizième mois suivant sa publication (le 19 avril 2009). Soit une date effective d’application au 18 Mai 2010.
Le décret imposera à partir de cette date une isolation en toiture ainsi qu’au niveau des parois, un pare soleil selon l’orientation des façades et un chauffe eau solaire si l’apport de soleil permet de couvrir au moins 50 % des besoins.
Les deux textes favorisent la ventilation naturelle dans le logement, et pénalisent en termes de performances plus contraignantes à atteindre, les logements climatisés.
Bien que le décret soit déjà plus sévère en matière de réglementation thermique que celui applicable à la métropole, le Conseil régional de Guadeloupe pourrait d’avantage durcir les normes de consommation de ces équipements électriques et diminuer les minimales thermiques.
FISCALITE
Dans un autre contexte, de nombreuses mesures fiscales pourraient être modifiées, afin de mieux internaliser les coûts externes liés à l’adaptation au réchauffement climatique ; soit pour créer des mesures incitatives à l’utilisation d’EnR ou à une meilleure maîtrise de l’énergie ; soit à l’inverse pour punir plus sévèrement les excès, abus, atteintes à l’environnement.
Il est aussi envisageable d’alourdir le traitement fiscal de certaines activités industrielles non respectueuses de l’environnement ou qui tout simplement n’optent pas pour les alternatives écologiques. Parmi les mesures possibles, il serait judicieux d’encourager d’avantage l’utilisation de voitures électriques en permettant une fiscalité plus favorable qu’en métropole.
Cela permettrait de diminuer l’émission de (gaz à effet de serre) GES sur l’île et donnerai, si la part d’EnR augmente de façon conséquente, une raison supplémentaire pour mettre fin à l’importation d’énergies fossiles sur le territoire.
A ce titre il faut être très prudent car les mesures fiscales se manient avec précaution. Il faut notamment étudier le rapport coût-avantages de telles mesures et éviter une surcharge fiscale et favoriser les mesures permettant un double dividende environnemental et social.
ETUDES POUR L’IMPACT DES EnR SUR L’ENVIRONNEMENT
Parallèlement aux mesures législatives et réglementaires, toute une série d’études doit être menée afin de bien mesurer l’impact des infrastructures productrices d’EnR sur l’environnement et plus particulièrement sur l’atteinte au paysage, à la biodiversité et les éventuelles pollutions que ces projets pourraient engendrer.
En effet, les études et analyses d’impact sont un préalable nécessaire à la mise en œuvre d’un cadre juridique cohérent qui permettra à la fois de protéger les infrastructures, la population locale et les différentes espèces animales et végétales présente en Guadeloupe.
Les installations productrices d’EnR doivent avoir un cadre juridique conséquent afin qu’elles soient sécurisées au maximum. Avec l’émergence de nouveaux équipements dont les impacts, bienfaits ou méfaits sont encore peu connus, la Région doit à tout prix éviter les flous juridiques qui laisseraient la place à une trop large interprétation.
CONCLUSION
La Région a donc fort à faire pour se doter d’une législation efficace couvrant tous les aspects de l’habilitation qui, comme nous l’avons vu, peut être interprétée de manière très extensive.
Aucun aspect ne doit être négligé, l’expérimentation guadeloupéenne doit aboutir à un cadre juridique durable et solide qui permettra à long terme d’obtenir une indépendance énergétique dépassant les 50 % et, à plus long terme, réduire les émissions de GES de manière significative.
Les enjeux sont donc importants, la Guadeloupe pourrait devenir, à l’instar de la Réunion, la vitrine de la réussite dans le domaine des EnR en entraînant avec elle l’ensemble des Outre-mer.
Cependant, les guadeloupéens ne disposent pas de beaucoup de temps pour ajuster la réglementation en vigueur au contexte local ; ainsi la dynamique est-elle lancée.
Sur les traces de la Réunion, la Région Guadeloupe inscrit sa politique dans le cadre du développement durable et de la lutte contre le réchauffement climatique.
Disposant d’un patrimoine naturel et d’une biodiversité hors du commun, la Guadeloupe n’échappe pas aux pollutions, dégradations ou épuisement des sols dus à l’activité humaine. Le contexte de réchauffement climatique met sérieusement en danger la biodiversité et l’île de la Grande-Terre n’est pas à l’abri d’une montée de eaux.
DEPENDANCE ENERGETIQUE DE LA GUADELOUPE
La Région Guadeloupe est dépendante énergétiquement, elle ne produit ni pétrole ni charbon et doit par conséquent importer ses ressources, qui, du fait de l’insularité de la région doivent être acheminées par voie maritime. Or, ce mode de transport est particulièrement onéreux et la Région, du fait de sa condition géographique, ne peut être reliée au réseau électrique du continent.
Avec une demande d’électricité multipliée par 2 en 15 ans et qui provient pour 86 % des énergies fossiles, la Guadeloupe doit de toute urgence maîtriser sa demande en énergie (MDE) et augmenter sa part d’énergies renouvelables (EnR). En effet, bien que 14 % de l’électricité provienne des EnR, le reste est extrêmement polluant et rejette une grande quantité de CO2 et de dioxyde de soufre dans l’atmosphère ce qui est particulièrement négatif dans le contexte actuel de réchauffement climatique.
La demande en énergie augmentant de 5 % par an (contre 1 % en métropole), la Guadeloupe se doit de réagir immédiatement. En effet, si les pratiques ne changent pas, la région se verra obligée de se doter de nouvelles centrales électriques fonctionnant au fioul ou au charbon, étant entendu qu’avec cette méthode, l’énergie produite est deux fois plus onéreuse qu’en métropole.
Dans cette optique, la Loi n°2000-1207 dite « loi d’orientation pour l’Outre-mer » votée le 13 décembre 2000 (JO 14 décembre 2000) permet en son article 50 (codifié à l’article L. 4433-18 du CGCT) aux régions de Guadeloupe, Guyane, Martinique et de la Réunion d’élaborer, adopter et mettre en œuvre un plan énergétique régional pluriannuel de prospection et d'exploitation des énergies renouvelables et d'utilisation rationnelle de l'énergie (PRERURE).
ADOPTION DU PRERURE
Ce n’est que le 23 mai 2008 que le Conseil régional de Guadeloupe a adopté en assemblée plénière le PRERURE. Ce plan fixe la stratégie de la région et de ses partenaires, l’Agence de l'Environnement et de la Maîtrise de l'Energie (ADEME) et EDF, en matière de MDE et de développement des EnR.
Le PRERURE définit les objectifs et les moyens en vue du renforcement de l’indépendance énergétique de la Guadeloupe.
HABILITATION LEGISLATIVE
Moins d’un an plus tard, lors de sa délibération n° 2009-269 du 27 mars 2009, le Conseil régional de Guadeloupe revendique son « droit à l’expérimentation » et demande habilitation, suivant l’article 73 de la Constitution de la République française, à légiférer et réglementer le domaine de l’environnement et de l’énergie sur son territoire.
Ainsi, depuis le 28 mai 2009, la Guadeloupe est habilitée à mener sa propre politique énergétique pour une durée de deux ans.
Celle-ci est prévue par l’article 69 de la Loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer qui dispose :
« Pour une durée de deux ans à compter de la promulgation de la présente loi, le conseil régional de Guadeloupe est habilité, en application de l'article 73, alinéa 3, de la Constitution et des articles LO 4435-2 à LO 4435-12 du code général des collectivités territoriales, à fixer des règles spécifiques à la Guadeloupe en matière de maîtrise de la demande d'énergie, de réglementation thermique pour la construction de bâtiments et de développement des énergies renouvelables, dans les limites prévues dans sa délibération n° CR / 09-269 du 27 mars 2009 publiée au Journal officiel du 3 avril 2009.
En ce qui concerne le développement des énergies renouvelables, la puissance installée des nouvelles installations ainsi que la variation des prix de rachat autorisée dans la limite de plus ou moins 10 % font l'objet d'un avis préalable du ministre chargé de l'énergie, à rendre dans le délai maximal de trois mois à compter de sa saisine par le conseil régional de Guadeloupe ».
Les enjeux de la région sont donc primordiaux et se pose la question du champ d’application de son habilitation. Jusqu’à quel point la région Guadeloupe peut-elle fixer sa politique énergétique ? L’article 69 de la Loi du 27 mai 2009 est assez flou puisqu’il limite l’habilitation à ce qui a été prévu dans la délibération du 27 mars 2009.
DES ENJEUX IMPORTANTS
L’habilitation porte sur trois grands axes, la maîtrise de la demande en énergie (MDE), le développement des EnR et la réglementation thermique pour la construction de bâtiments. Le champ d’application semble ainsi particulièrement vaste. Aucune précision supplémentaire ne peut nous éclairer.
La délibération prévoit en revanche « la nécessité d'adapter ou de transférer des dispositions contenues dans différents projets de lois en préparation (projet de loi pour le développement économique de l'outre-mer ; projet de loi de programme relatif à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement, projet de loi portant engagement national pour l'environnement) »
Le texte de loi habilitant la Région Guadeloupe limite son pouvoir réglementaire aux textes visés par la délibération du Conseil régional portant demande d'habilitation. La marge de manœuvre promet néanmoins d’être importante, vu le nombre de matières concerné par ces trois axes. On peut citer parmi d’autres, le droit de l’urbanisme, le droit de l’environnement et le droit fiscal…
Les possibilités sont nombreuses et plusieurs stratégies sont à considérer, il serait donc intéressant d’envisager quelques domaines sur lesquelles la Guadeloupe pourrait être amenée à durcir sa réglementation.
URBANISME
Au titre des règles d’urbanisme ces problématiques sont aujourd’hui intégrées aux règles générales d'utilisation du sol, à l’article L110 du code de l’urbanisme modifié récemment par Loi n°2009-967 du 3 août 2009 (loi « Grenelle I », art. 8)
Cet article 110 dispose désormais : « Le territoire français est le patrimoine commun de la nation. Chaque collectivité publique en est le gestionnaire et le garant dans le cadre de ses compétences. Afin d'aménager le cadre de vie, d'assurer sans discrimination aux populations résidentes et futures des conditions d'habitat, d'emploi, de services et de transports répondant à la diversité de ses besoins et de ses ressources, de gérer le sol de façon économe, de réduire les émissions de gaz à effet de serre, de réduire les consommations d'énergie, d'économiser les ressources fossiles d'assurer la protection des milieux naturels et des paysages, la préservation de la biodiversité notamment par la conservation, la restauration et la création de continuités écologiques, ainsi que la sécurité et la salubrité publiques et de promouvoir l'équilibre entre les populations résidant dans les zones urbaines et rurales et de rationaliser la demande de déplacements, les collectivités publiques harmonisent, dans le respect réciproque de leur autonomie, leurs prévisions et leurs décisions d'utilisation de l'espace. Leur action en matière d'urbanisme contribue à la lutte contre le changement climatique et à l'adaptation à ce changement».
A ce titre, les dispositions de l’article L123-1 du code de l’urbanisme pourraient être renforcées notamment en y insérant une intégration obligatoire des EnR au sein des plans locaux d’urbanisme (PLU). A ce jour, l’intégration des EnR n’est que « recommandée ».
On rappellera les termes de l’article L123-1 du code de l’urbanisme qui prévoit « Les plans locaux d'urbanisme comportent un règlement qui fixe, en cohérence avec le projet d'aménagement et de développement durable, les règles générales et les servitudes d'utilisation des sols permettant d'atteindre les objectifs mentionnés à l'article L. 121-1, qui peuvent notamment comporter l'interdiction de construire, délimitent les zones urbaines ou à urbaniser et les zones naturelles ou agricoles et forestières à protéger et définissent, en fonction des circonstances locales, les règles concernant l'implantation des constructions. A ce titre, ils peuvent : (…) Recommander l'utilisation des énergies renouvelables pour l'approvisionnement énergétique des constructions neuves, en fonction des caractéristiques de ces constructions, sous réserve de la protection des sites et des paysages ».
L’article L.121-1 quant à lui, modifié par la loi du 4 août 2008 (LME), définit les objectifs suivants : « 1° L'équilibre entre le renouvellement urbain, un développement urbain maîtrisé, le développement de l'espace rural, d'une part, et la préservation des espaces affectés aux activités agricoles et forestières et la protection des espaces naturels et des paysages, d'autre part, en respectant les objectifs du développement durable ;
(...)
3° Une utilisation économe et équilibrée des espaces naturels, urbains, périurbains et ruraux, la maîtrise des besoins de déplacement et de la circulation automobile, la préservation de la qualité de l'air, de l'eau, du sol et du sous-sol, des écosystèmes, des espaces verts, des milieux, sites et paysages naturels ou urbains, la réduction des nuisances sonores, la sauvegarde des ensembles urbains remarquables et du patrimoine bâti, la prévention des risques naturels prévisibles, des risques technologiques, des pollutions et des nuisances de toute nature ».
Chaque commune de Guadeloupe devrait non seulement intégrer dans son PLU les dispositions indispensables en matière de développement durable et d’EnR, mais aussi en faire une priorité.
CONSTRUCTION ET HABITATION
De la même façon le code de la construction et de l’habitation pourrait voir les dispositions de son article R. 111-20 renforcées afin de l’adapter au contexte climatique et énergétique Guadeloupéen.
Cet article, crée par le décret n°2006-592 du 24 mai 2006 relatif aux caractéristiques thermiques et à la performance énergétique des constructions impose que chaque bâtiment nouveau ou partie nouvelle de bâtiment respecte des caractéristiques thermiques minimales et fixe une limite de consommation d’énergie pour certains équipements électriques du bâtiment, à savoir le chauffage, la ventilation, la climatisation, la production d'eau chaude sanitaire et l'éclairage des locaux.
Une réglementation thermique a, de plus, été spécifiquement prévue pour les départements de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique et de La Réunion. Celle-ci est prévue par le décret n° 2009-424 du 17 avril 2009 portant sur les dispositions particulières relatives aux caractéristiques thermiques, énergétiques, acoustiques et d'aération des bâtiments d'habitation dans les départements de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique et de La Réunion.
Ce décret spécifique aux DOM traite de trois points, les caractéristiques thermiques et la performance énergétique des bâtiments d’habitation, les caractéristiques acoustiques et l’aération des bâtiments.
Le décret a été complété par l’arrêté du 17 avril 2009 définissant les caractéristiques thermiques minimales des bâtiments d'habitation neufs dans les départements de la Guadeloupe, de la Martinique, de la Guyane et de La Réunion.
Celui-ci traite plus particulièrement de la protection contre les rayonnements solaires et isolation thermique, de la perméabilité à l’air, de la ventilation naturelle de confort thermique, de l’eau chaude sanitaire et du chauffage.
Les dispositions du décret s'appliquent aux projets de construction de bâtiments qui font l'objet d'une demande de permis de construire ou d'une déclaration préalable prévue à l'article L. 421-4 du code de l'urbanisme déposées à compter du premier jour du treizième mois suivant sa publication (le 19 avril 2009). Soit une date effective d’application au 18 Mai 2010.
Le décret imposera à partir de cette date une isolation en toiture ainsi qu’au niveau des parois, un pare soleil selon l’orientation des façades et un chauffe eau solaire si l’apport de soleil permet de couvrir au moins 50 % des besoins.
Les deux textes favorisent la ventilation naturelle dans le logement, et pénalisent en termes de performances plus contraignantes à atteindre, les logements climatisés.
Bien que le décret soit déjà plus sévère en matière de réglementation thermique que celui applicable à la métropole, le Conseil régional de Guadeloupe pourrait d’avantage durcir les normes de consommation de ces équipements électriques et diminuer les minimales thermiques.
FISCALITE
Dans un autre contexte, de nombreuses mesures fiscales pourraient être modifiées, afin de mieux internaliser les coûts externes liés à l’adaptation au réchauffement climatique ; soit pour créer des mesures incitatives à l’utilisation d’EnR ou à une meilleure maîtrise de l’énergie ; soit à l’inverse pour punir plus sévèrement les excès, abus, atteintes à l’environnement.
Il est aussi envisageable d’alourdir le traitement fiscal de certaines activités industrielles non respectueuses de l’environnement ou qui tout simplement n’optent pas pour les alternatives écologiques. Parmi les mesures possibles, il serait judicieux d’encourager d’avantage l’utilisation de voitures électriques en permettant une fiscalité plus favorable qu’en métropole.
Cela permettrait de diminuer l’émission de (gaz à effet de serre) GES sur l’île et donnerai, si la part d’EnR augmente de façon conséquente, une raison supplémentaire pour mettre fin à l’importation d’énergies fossiles sur le territoire.
A ce titre il faut être très prudent car les mesures fiscales se manient avec précaution. Il faut notamment étudier le rapport coût-avantages de telles mesures et éviter une surcharge fiscale et favoriser les mesures permettant un double dividende environnemental et social.
ETUDES POUR L’IMPACT DES EnR SUR L’ENVIRONNEMENT
Parallèlement aux mesures législatives et réglementaires, toute une série d’études doit être menée afin de bien mesurer l’impact des infrastructures productrices d’EnR sur l’environnement et plus particulièrement sur l’atteinte au paysage, à la biodiversité et les éventuelles pollutions que ces projets pourraient engendrer.
En effet, les études et analyses d’impact sont un préalable nécessaire à la mise en œuvre d’un cadre juridique cohérent qui permettra à la fois de protéger les infrastructures, la population locale et les différentes espèces animales et végétales présente en Guadeloupe.
Les installations productrices d’EnR doivent avoir un cadre juridique conséquent afin qu’elles soient sécurisées au maximum. Avec l’émergence de nouveaux équipements dont les impacts, bienfaits ou méfaits sont encore peu connus, la Région doit à tout prix éviter les flous juridiques qui laisseraient la place à une trop large interprétation.
CONCLUSION
La Région a donc fort à faire pour se doter d’une législation efficace couvrant tous les aspects de l’habilitation qui, comme nous l’avons vu, peut être interprétée de manière très extensive.
Aucun aspect ne doit être négligé, l’expérimentation guadeloupéenne doit aboutir à un cadre juridique durable et solide qui permettra à long terme d’obtenir une indépendance énergétique dépassant les 50 % et, à plus long terme, réduire les émissions de GES de manière significative.
Les enjeux sont donc importants, la Guadeloupe pourrait devenir, à l’instar de la Réunion, la vitrine de la réussite dans le domaine des EnR en entraînant avec elle l’ensemble des Outre-mer.
Cependant, les guadeloupéens ne disposent pas de beaucoup de temps pour ajuster la réglementation en vigueur au contexte local ; ainsi la dynamique est-elle lancée.
Adrien FOURMON
Avocat
SELARL HUGLO LEPAGE & Associés Conseil
Avocat
SELARL HUGLO LEPAGE & Associés Conseil
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