mercredi 28 janvier 2015

Perturbateurs endocriniens : Selon l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) l’exposition au Bisphénol A ne porterait pas de risque pour la santé du consommateur

Perturbateurs endocriniens : Selon l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) l’exposition au Bisphénol A ne porterait pas de risque pour la santé du consommateur

Par un avis du 21 janvier 2015 concernant les résultats de la réévaluation complète de l’exposition humaine au Bisphénol A (BPA), l’EFSA a conclu que cette exposition au BPA ne représentait pas de risque pour la santé des consommateurs, et ce y compris pour les enfants, ou les nourrissons, considérés comme population à risque.

Le bisphénol A est l’un des exemples les plus souvent cités dans les produits de consommation courante et objets de notre vie quotidienne (tels que plastiques, pesticides, aliments, conserves, tickets de caisse), outre certains phtalates, composés bromés, certaines dioxines, le célèbre insecticide DDT, les polychlorobiphényles (PCB), …

De manière générale, ces perturbateurs endocriniens (PE) sont définis comme des substances chimiques d’origine naturelle ou artificielle étrangères à l’organisme, qui peuvent interférer avec le fonctionnement du système endocrinien, responsable de la sécrétion des hormones.

L’EFSA considère en effet que l’exposition au BPA, en particulier par voie alimentaire, est « considérablement inférieure au niveau sans danger », fixé par une dose journalière tolérable (DJT), et en conclut dès lors que le risque pour la santé humaine est nul.

Il est pourtant à noter que la nouvelle DJT a été considérablement réduit par cette Autorité, à 4 µg/kg de pc/jour, alors que l’ancienne mesure s’élevait à 50 µg/kg de pc/jour. Cette nouvelle DJT est provisoire, compte tenu des incertitudes demeurant concernant les effets sanitaires du BPA, notamment s’agissant de l’exposition à des sources non alimentaires en raison du manque d’informations et de données disponibles - par exemple concernant l’absence de données permettant de quantifier l’absorption du BPA par l’organisme  à travers la peau lors d’un contact avec du papier thermique type tickets de caisse.

Cet avis a fait l’objet de nombreuses critiques par les associations comme l’association Générations futures ou le Réseau environnement santé (RES), qui rappellent d’ailleurs que les conclusions de cet avis sont contradictoires avec celles de l’Agence nationale de sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES).

En effet, au cours des dernières décennies, diverses études scientifiques ont attiré l’attention quant aux dangers sur les organes ou la fonction de reproduction de substances chimiques présentes dans l’environnement.

Malgré l’urgence à agir pour protéger la population, et le danger avéré pour la santé humaine et pour l’environnement, la mise en place d’une réglementation - idéalement au niveau européen - reste difficile. La Commission européenne tarde d’ailleurs à présenter une définition et des critères de qualification des perturbateurs endocriniens, préalable à la régulation des PE et a lancé le 29 septembre 2014 une consultation publique sur les perturbateurs endocriniens en vue d’en étudier l’impact économique.

Pourtant, l’exposition de la population aux PE coûterait environ 4 milliards d’euros par an au système de santé français (31 milliards d’euros au niveau européen).

On rappellera à ce titre quelques dates clés :

 - juin 2010 : le Parlement français décidait, à l'initiative du Sénat, de suspendre la commercialisation des biberons produits à base de bisphénol A ;
 - 2012 : Conférence environnementale à laquelle émerge la nécessité d’une stratégie nationale ;
 - 24 décembre 2012 : loi n° 2012-1442 du 24 décembre 2012 visant à la suspension de la fabrication, de l'importation, de l'exportation et de la mise sur le marché de tout conditionnement à vocation alimentaire contenant du bisphénol A, prévoyant la remise de deux rapports par le Gouvernement au Parlement sur ce sujet ;
 - 29 avril 2014 : publication de la stratégie nationale contre les perturbateurs endocriniens, dont l’un des 5 axes est l’amélioration de l’information des citoyens, dans leur vie quotidienne comme sur les lieux de travail ;
 - 27 et 28 novembre 2014 : 3ème Conférence environnementale ;
 - Novembre 2014 : remise des deux rapports relatifs aux perturbateurs endocriniens, et à l’évaluation des  substituts possibles au bisphénol A pour ses applications industrielles.

L’action doit se poursuivre en 2015 à la suite du Conseil des Ministres du 12 novembre 2014, le Gouvernement ayant décidé de confier à l’Anses l’expertise de 5 substances :

-    l’iprodione, fongicide utilisé en tant que produit phytopharmaceutique et suspecté d’être un perturbateur endocrinien pour l’environnement ;
-    le 2,6-di-tert-butyl-p-cresol (BHT), utilisé comme anti-oxydant dans de nombreuses applications industrielles, ainsi que dans les cosmétiques. Cette substance est proche du BHA, substance dont l’expertise a été confiée à l’Anses pour l’année 2014 en raison de préoccupations relatives à son caractère de perturbateur endocrinien ;
-    le méthylsalicylate, analogue structurellement au méthylparabène, qui est aussi l’une des substances dont l’expertise a été confiée à l’Anses pour l’année 2014 en raison de préoccupations relatives à son caractère de perturbateur endocrinien ;
-    le tributyl O-acetylcitrate (ATBC) utilisé en tant que substitut à des phtalates pour des usages comme plastifiants dans les jouets par exemple ;
-    l’acide téréphtalique, utilisé en tant que monomère pour la fabrication du PET, une alternative aux polycarbonates fabriqués à partir de bisphénol A, à la base de nombreux produits industriels destinés aux consommateurs. Pour ces deux dernières substances, les données à ce jour ne permettent pas de conclure sur le caractère perturbateur endocrinien ou non.

Adrien FOURMON
avocat, associé
SELARL HUGLO-LEPAGE & Associés

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