vendredi 18 avril 2014

Condamnation à 500 euros d'amende d'un viticulteur bio de Côte d'Or pour refus de traitement de vignes contre la flavescence dorée



Emmanuel Giboulot, viticulteur de Beaune (Côte-d’Or), pratiquant la biodynamie depuis les années 1970, exploite dix hectares en Côte-de-Beaune et Haute-Côte de Nuits, en cépages de chardonnay et pinot noir.

Le procès de ce vigneron bio pose le problème des traitements pesticides, en l’occurrence en prévention contre la flavescence dorée et celui de la confrontation de l’obligation de traitements pesticides avec l’agriculture raisonnée et biologique.

Le contrevenant,  encourait une peine de 30 000 euros d'amende et 6 mois d'emprisonnement pour ne pas avoir respecté les prescriptions de traitements pesticides ; il écope finalement d’une peine de 1.000 euros, dont 500 euros fermes, selon un jugement du tribunal correctionnel de Dijon du 7 avril dernier, dont il a aussitôt annoncé qu’il ferait appel.

Cette peine symbolique est ainsi assortie d'une amende avec sursis de 500 euros, conformément aux réquisitions lors de l'audience tenue le 24 février dernier, au cours de laquelle le représentant du parquet, Jeanne Delatronchette, a considéré que le viticulteur avait agi par choix idéologique, le viticulteur estimant qu'en Côte-d'Or il n'y avait pas encore de maladie avérée.

En l’espèce, ce viticulteur contrevenant a refusé d’appliquer un arrêté préfectoral du 7 juin 2013 qui contraint préventivement les viticulteurs du département de Côte-d’Or, en traitant par l’application d’un insecticide obligatoire les vignes contre la cicadelle (Scaphoideus titanus), un insecte vecteur d’une maladie épidémique et mortelle pour la vigne en expansion en France, et qui provoque des pertes de récoltes importantes dans le vignoble de Bourgogne, mais aussi dans le Bordelais.

Au titre des considérants en préambule de l’arrêté on peut lire notamment :
« Considérant la présence avérée de la flavescence dorée en Saône-et-Loire suite à l’obtention de résultats positifs d’analyses en 2011 et 2012 émanant du laboratoire départemental d’analyses de Saône-et-Loire et sa très forte dispersion en 2012 ;
Considérant l’ancienneté probable de l’installation de la maladie sur les communes de Plottes, Chardonnay et Ozenay (71) et le risque avéré de dissémination du phytoplasme vers des communes relativement éloignées par le transport de cicadelles vectrices contaminées en particulier lors de la mise en œuvre de certains travaux culturaux ou déplacement de personnes travaillant également dans des communes indemnes ;
Considérant la découverte de cas avérés de flavescence dorée à distance de ce foyer du nord Mâconnais notamment sur les communes de Davayé, Prissé au sud et Saint Denis de Vaux au nord ;
Considérant l’extension rapide et importante de la maladie qui menace les vignobles de Bourgogne et la proximité de celui de la Côte d’Or avec les cas avérés de flavescence dorée ;
Considérant que la prospection conduite à l’automne 2012 sur moins de 250 ha en Côte d’Or ne permet pas de garantir l’absence de flavescence dorée dans ce département ;
Considérant que dans une parcelle contaminée, la propagation de la maladie d’une année sur l’autre est telle que le nombre de pieds atteints peut être multiplié par dix ;
Considérant le décalage d’au moins une année entre la contamination d’une souche et l’extériorisation des symptômes ;
Considérant que les communes susceptibles d’être contaminées peuvent être incluses dans un périmètre de lutte ;
Considérant que les populations de cicadelles de la flavescence dorée en Côte d’Or (sauf vignobles du Châtillonnais et de l’Auxois) évaluées depuis 1998 par le suivi des éclosions réalisées par le service régional de la protection des végétaux puis le service régional de l’alimentation et plus récemment par les observations du réseau d’épidémio-surveillance sont particulièrement importantes ;
(…) Considérant l’urgence à définir des modalités de lutte en application de l’article L. 251-8 II du code rural et de la pêche maritime ;
»

Après un contrôle de la Direction régionale de l'agriculture en juillet, le viticulteur contrevenant avait été convoqué devant la justice pour avoir refusé d’appliquer ce type de traitements chimiques préventifs.

Les dispositions pénales qui s'appliquent aux personnes qui ne mettent pas en œuvre les mesures prescrites par l’arrêté préfectoral en cause sont celles prévues à l'article L 251-20 du code rural et de la pêche maritime.

Selon l’exploitant la flavescence dorée n’était pas présente dans sa commune ni dans les communes voisines ; si cela avait été le cas il aurait effectué un traitement à base pyrèthre autorisé en bio, malgré les inconvénients de cet insecticide sur l’équilibre de l’écosystème patiemment construit depuis 43 ans ; la pyréthrine, étant pesticide naturel étant autorisé dans la filière bio.

Reste que ce viticulteur aurait pu décider d’attaquer l’arrêté préfectoral en question dans un délai de 2 mois à compter de sa publication, s’il l’estimait illégal et refusait de l’appliquer, d’autant qu’une consultation du public avait été menée du 26 avril au 20 mai 2013.

Au plan technique, la lutte contre la flavescence dorée est un sujet complexe (symptômes de la maladie étant la décoloration et l’enroulement des feuilles, l’absence de lignification des rameaux). Celle-ci fit son apparition dans le sud de la France dans les années 50, pour remonter vers le nord ; la Côte-d’Or ayant été touchée, deux foyers y auraient été découverts et éradiqués en 2005 et 2006, selon la préfecture du département. Et sur le terrain, il existe peu de modes d’actions efficaces. L’alternative autorisée dans les vignes bio de l’insecticide Pyrévert est quant à lui non-sélectif et détruit non seulement les cicadelles, insectes vecteurs de la flavescence dorée, mais aussi tous les autres, auxiliaires compris (ceux qui aident à la culture, via la pollinisation ou la prédation d’espèces impactant la culture, par exemple (abeilles, typhlodrome, …)).

Le Bureau interprofessionnel des vins de Bourgogne indique que la lutte contre la flavescence dorée ne repose pas uniquement sur l’emploi de produits phytosanitaires et qu’elle s’appuie aussi « sur trois autres piliers (prospection, arrachage des pieds malades, traitement à l’eau chaude des plants de vigne), dont le principal est bien la surveillance du vignoble ».

Egalement à lire s’agissant des organismes nuisibles aux végétaux, produits végétaux et autres objets soumis à des mesures de lutte obligatoire, le récent arrêté du 19 décembre 2013 relatif à la lutte contre la flavescence dorée de la vigne et contre son agent vecteur (NOR : AGRG1329211A)

Le Préfet doit en effet mener une évaluation du risque sanitaire locale établie par les services régionaux chargés de la protection des végétaux sur la base notamment d'informations d'ordre épidémiologique. Un arrêté préfectoral précise la liste des communes inscrites dans le périmètre de lutte. Dans ce périmètre, la lutte contre l'agent vecteur de la maladie Scaphoideus titanus est obligatoire.

Ainsi, selon l’article 5 de cet arrêté, lorsqu'un cep de vigne est identifié comme contaminé par la flavescence dorée à la suite de l'obtention d'un résultat positif d'analyse officielle, une zone géographique dénommée zone contaminée est alors délimitée par les services régionaux chargés de la protection des végétaux, dans un rayon minimal de 500 mètres mesurés au-delà des limites de la parcelle contaminée. Les communes situées pour tout ou partie dans la zone contaminée ont le statut de communes contaminées (zone géographique appelée périmètre de lutte constitué de toutes les communes contaminées auxquelles peuvent s'ajouter des communes proches considérées comme susceptibles d'être contaminées sur la base d'une évaluation du risque sanitaire).

L'agitation médiatique autour du sujet de la flavescence forée en Bourgogne est importante. A noter que ce débat sur les pesticides intervient alors que les travaux parlementaires relatifs au Projet de loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt sont en cours devant le Sénat : et qu’un nouveau régime phytosanitaire communautaire est en cours de discussion.

Adrien FOURMON

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